7 avril : Voltaire, éloge de la tolérance

Voltaire (1694 – 1778) est la quintessence de « l’esprit français » : spirituel, féroce dans ses critiques, touche-à-tout, rebelle à toute autorité, et par-dessus tout, héraut de la liberté de pensée.

Le fanatisme, les préjugés, l’intolérance qui de son temps étaient le fait de la religion ont provoqué sa juste colère et l’ont poussé à prendre la défense des persécutés, au prix de son embastillement et de son exil.

La tolérance est certes la marque d’une intelligence ouverte aux différences, capable de douter de ses propres convictions, et d’admettre l’expression publique d’opinions haïssables. Parfaitement respectable dans le domaine des idées, mais problématique dans la vie en société.

Car la tolérance aboutit, au mieux à l’indifférence, au pire à la complicité avec des actes criminels. Quel équilibre trouver entre la précieuse, indispensable liberté d’expression qui définit notre nature humaine et fonde la démocratie, et le respect non moins nécessaire, des valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ?

 

A lire :

Traité sur la tolérance, édition Garnier-Flammarion

Lettres philosophiques, Editions Didier

Dictionnaire philosophique (article « tolérance ») éditions Garnier-Flammarion.

Le philosophe ignorant, Livre de poche

 

4 février : Hannah Arendt, la banalité du mal

Hannah Arendt (1906-1972) est une philosophe américaine d’origine allemande. Ses nombreux ouvrages traitent des grandes questions de sociologie et de politique, en particulier du totalitarisme.

Publiées et 1951, ses analyses sur l’origine du totalitarisme sont d’une actualité brûlante, et offrent une clé pour comprendre la naissance et l’expansion du terrorisme actuel : un mouvement fanatique en quête de sacrifice et sur lequel les arguments logiques n’ont pas de prise…Alors que faire ?

Elle a par ailleurs écrit son propre compte-rendu du procès à Jérusalem de l’officier SS Adolf Eichmann, dans lequel elle conclut que l’horreur nazie a été commise par des êtres somme toute quelconques et que le mal est hélas banal, thèse qui a déclenché une violente controverse. Le germe du mal est-il en tout homme, n’attendant que des circonstances propices ? Ou les convictions, quelle que soit leur valeur, peuvent-elles pousser au pire certains d’entre nous ?

Livres

Hannah Arendt écrit de façon claire et ses livres sont faciles à lire. Je conseille :

  • « Le système totalitaire », 1er volume de « Les origines du totalitarisme » (les autres étant « L‘impérialisme » et « L’antisémitisme »), coll. Points
  • « Eichmann à Jérusalem. Essai sur la banalité du mal » (1963), Edit. Folio

Films

  • « Hannah Arendt », un film intéressant mais dur de Margarethe von Trotta, sur le procès Eichmann, sorti en 2013, qu’on peut télécharger sur ITunes
  • Sur le thème de la banalité du mal : « Experimenter » de Michael Almereyda, sortie en salle le 27 janvier (que je n’ai donc pas vu),  est consacré aux expériences du psychologue américain Stanley Milgram qui mettent en évidence que n’importe qui par soumission à une autorité peut torturer des innocents. Des conclusions dérangeantes !

7 janvier : René Girard, désir et violence

Ce penseur français, décédé en novembre dernier, a surtout enseigné dans les universités américaines. Il est venu à la philosophie assez tard, par le biais de la littérature. Il y a remarqué que l’imitation était le ressort de presque toutes les passions, et son œuvre est la systématisation de cette idée.
Ainsi, nous ne désirons rien directement, mais seulement pour imiter quelqu’un qui désire un objet, qu’il nous faut alors absolument obtenir. Envie, jalousie, besoin d’être admiré, aimé … c’est bien sûr le ressort de la mode, de la publicité, de la frénésie de consommation.
Mais aussi l’origine des rivalités, des conflits, bref de la violence sociale. Pour y mettre fin, les sociétés ont depuis toujours recours à un procédé infaillible : trouver un bouc émissaire, c’est-à-dire désigner une personne ou un groupe comme responsable des malheurs et des crises, l’expulser ou l’immoler.
Alors, sommes-nous aussi soumis à la pression des autres, au point de désirer ce qu’ils désirent, et rien d’autre ? Me faut-il absolument la même tondeuse que celle de mon voisin ? Quant à la tactique du bouc émissaire, son emploi est courant, et nous puisons dans un large stock – l’Europe, les Roms, le Capitalisme, l’Islam etc. Mais sans résoudre pour autant les crises sociales…

Des idées stimulantes qui donnent de quoi discuter !

Jeudi 7 janvier 2016 à 18h30
Café-restaurant l’Antre-Potes

Bibliographie

Sur le rôle du désir mimétique dans la littérature : « Mensonge romantique et vérité romanesque » (1961)
Sur le rôle du bouc émissaire dans les religions archaïques : « la violence et le sacré » (1972)

Lévi-Strauss : les mythes et leur sens

Claude Lévi-Strauss (1908-2009), professeur de philosophie, est devenu ethnologue au hasard d’une expédition au Brésil. Il est revenu de sa rencontre avec des peuplades dites « primitives » avec la conviction que toutes les cultures « pensent » et qu’aucune n’est inférieure à l’autre.
Lévi-Strauss a recensé des milliers de mythes, de tatouages, d’interdits alimentaires, et trouvé dans cette apparente diversité des structures communes. A travers les mœurs, les systèmes de parenté, les manières de table, les rites sociaux, les contes, les mythes et les religions, s’exprimerait une même structure, qui codifie les échanges entre individus et groupes, et maintient l’équilibre de la communauté.
Des descriptions et des analyses passionnantes, qui annoncent une vision contemporaine du monde, la fin des idées de progrès et de séparation de l’homme et de la nature.

Mais cette grille issue des théories structuralistes, plaquée sur des réalités mouvantes et multiples, n’est-elle pas réductrice et arbitraire ?

Bibliographie

Les études d’ethnologie de Lévi-Strauss sont techniques et complexes.
En revanche, on peut lire avec intérêt « Tristes tropiques », en éditions de poche, qui dès sa parution en 1955 connut un immense succès.

Kant : le devoir avant tout ! Jeudi 5 novembre

 » Devoir ! nom sublime et grand, toi qui ne renfermes rien en toi d’agréable, rien qui implique insinuation, mais qui réclames la soumission, qui cependant ne menaces de rien de ce qui éveille dans l’âme une aversion naturelle et l’épouvante pour mettre en mouvement la volonté, mais poses simplement une loi qui trouve d’elle -même accès dans l’âme et qui cependant gagne elle-même malgré nous la vénération (sinon toujours l’obéissance), devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiqu’ils agissent contre elle en secret… »
Critique de la raison pratique (première partie, I, III)

En 1788, Emmanuel Kant a publié l’essentiel de son œuvre, une analyse minutieuse des fondements de nos connaissances.
Logiquement, il applique la même méthode à la recherche du fondement de la morale : ce qui fait sa légitimité. Son esprit rigoureux exclut qu’elle émane d’un être divin, mais elle ne doit pas pour autant être subjective. Le devoir, c’est-à-dire l’obéissance inconditionnelle à une loi universelle, est la marque d’une action morale.
Difficile d’accès, la philosophie de Kant a révolutionné la façon de penser. Par son exigence de rigueur, il a montré que les grandes idées – l’âme, la liberté, Dieu – n’avaient pas de contenu, mais qu’elles étaient une hypothèse nécessaire.

bibliographie

Le style de Kant est des plus ardus ! on peut cependant lire avec plaisir « les fondements de la métaphysique des moeurs ».