Averroès : l’influence de la philosophie arabe

Averroès vécut à Cordoue au XIIème siècle, au sein de la riche et cultivée province arabe d’Andalousie. Eminent juriste et savant, il fut « cadi » et médecin personnel des sultans, mais surtout auteur d’une quantité d’ouvrages sur Aristote, qui permirent à l’Occident de découvrir la philosophie grecque. Sa réputation et son influence ont duré des siècles, tout comme celles de ses contemporains Avicenne, autre philosophe arabe, et du juif Maïmonide.

Mais le vent tourna et les critiques démolirent son œuvre. Lui-même fut accusé d’hérésie, forcé à l’exil (au Maroc) et ses livres brûlés : les Almohades, la nouvelle dynastie régnant en Andalousie, lui reprochaient sa tolérance et son infidélité au Coran originel. Quant aux universités européennes et à la Papauté elles en interdirent la diffusion, redoutant le danger pour le christianisme de sa théorie de l’«intellectuel séparé ». Derrière ce curieux concept, l’affirmation que notre pensée est une partie, une émanation d’une pensée globale et universelle. Une idée toute moderne, dont nous pourrons voir les implications.

Dans le monde arabe la fin d’Averroès sonna la fin de la réflexion philosophique et du développement scientifique. Mais son nom continue à résonner – ainsi le « programme Averroès » est l’équivalent arabe de notre « programme Erasmus ». Un bel hommage.

Le jeudi 6 mars à 18h30, au café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

l’Utopie : égalité, ou liberté ?

Notre prochaine rencontre sera consacrée au dilemme entre deux idéaux de notre vie politique :  l’égalité et la liberté.

Qui n’a pas rêvé d’une société plus juste, où règneraient le bien-être et la concorde ? Au XVIème siècle l’anglais Thomas More fit le portrait de cette société idéale, décrivant dans son livre « L’utopie » les conditions de son maintien : répartition imposée des populations, composition autoritaire des familles, règlementation stricte du travail et des loisirs, de façon à instaurer une rigoureuse égalité qui seule pouvait garantir le bonheur et la prospérité. Cet idéal d’égalité a inspiré un courant de pensée appelé « utopiste » déjà développé par le grand Platon, et donné naissance à la création de structures sociales comme les phalanstères ou les mouvements coopératifs, et aussi à de mini-sociétés – éphémères –  un peu partout dans le monde.

On peut lire avec enthousiasme la peinture de cette cité harmonieuse. Mais force est de constater qu’elle repose sur la contrainte, la soumission aveugle et la délation, un système « totalitaire » bien pire qu’une simple dictature.  Cet idéal d’égalité (qui fait partie de notre devise nationale) implique-t-il un régime totalitaire, incompatible avec notre idéal de liberté (idem) ?

A l’opposé, que penser des courants « libertariens », dominants aux Etats-Unis et défendus par le couple Trump – Musk ?

Des questions que nous vous proposons de discuter lors de notre prochain café philosophique.

Jeudi 6 février à 18h30, au café-restaurant « La bonne Franquette », 39 rue de la République à Noizay.

Bibliographie

Thomas More, « L’utopie », édit Ultraletters (livre second, lecture facile)

Erasme : éloge de la folie

Erasme (1466-1536) est né à Rotterdam, donc hollandais. Mais il a vécu comme européen, sillonnant l’Europe de l’Italie à l’Angleterre, prêchant partout la culture et la paix. Pédagogue, traducteur du Nouveau Testament pour que tous puissent le comprendre, grand épistolier, il utilisait l’ironie et la raillerie pour ridiculiser les dévots bornés, les philosophes coincés et les roitelets prétentieux. Il fut un grand humaniste, bien plus que ses contemporains Machiavel, Rabelais, Luther.
Mais pourquoi rendre un hommage à la folie ? Plus que l’austère raison elle est source de joie et de bonheur – et ce même si elle repose sur des illusions et des incohérences, l’essentiel étant d’être heureux.  Et d’ailleurs n’est-elle pas partout, y compris chez les saints (Erasme était prêtre) ? Les martyrs ne sont-ils pas finalement « fous » ?

Bourré de références (Erasme était extrêmement érudit), de paradoxes, de réparties spirituelles, l’Eloge de la folie rabaisse nos prétentions à la triste « sagesse », et pose des questions très sérieuses et universelles. Questions souvent gênantes, parfois cruelles.

Toute son œuvre fut mise à l’index par les autorités catholiques.

Jeudi 5 décembre à 18h30, au café-restaurant « La Bonne Franquette » à Noizay.

Montaigne, le premier moderne

Montaigne (1533-1592) fait partie de nos philosophes familiers, tout comme Descartes ou Rousseau ; on lit son nom sur des avenues ou des lycées : il fait partie du paysage. Bien sûr personne ou presque n’a lu les quelque 1 184 pages des « Essais », et on n’en peut citer que quelques phrases : « que sais-je ? », « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Mais quel est le fond de sa pensée ? Qu’a-t-elle apporté à la philosophie ? Pourquoi cette renommée exceptionnelle ?

Cela vaut le coup de se plonger dans cet univers de descriptions minutieuses d’un seul objet d’étude : lui-même, Montaigne. Une démarche moderne, inouïe, qui ne sera reprise que deux siècles plus tard par Rousseau. Ce parti pris de subjectivité vient sans doute de sa conviction profonde qu’aucune connaissance sûre n’est possible et qu’il est préférable de s’abstenir de tout jugement… Montaigne est un grand sceptique !

Mais que faire si l’on ne croit à rien ou plutôt si l’on ne sait rien ? Cette question est plus importante qu’il n’y paraît.

Prochain café philosophique le 3 octobre à 18h30,

au café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

Marc Aurèle, un empereur philosophe

Le 5 septembre nous accueillerons Marc Aurèle (121 – 180), empereur romain et philosophe. Fut-il un empereur qui philosophait, ou un philosophe par ailleurs empereur ? A vrai dire sa renommée vient surtout de ses conquêtes et de sa sage gestion de l’Empire. Son œuvre proprement philosophique tient dans un mince recueil modestement intitulé « Pensées pour moi-même », contenant les réflexions qu’il notait au jour la jour sous sa tente au soir des combats.

Que valent ces pensées ? d’inspiration stoïcienne, elles n’atteignent pas la profondeur des grands sages du Portique Zénon, Epictète ou Sénèque. Leur intérêt est justement d’être des réflexions personnelles, parfois touchantes, ancrées dans la réalité, la vie quotidienne, les situations banales et concrètes.

Y a-t-il quelque chose à en tirer ? Nous le verrons dans notre prochain café philosophique le 5 septembre à 18h3O, au café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

De la musique avant toute chose…

« La vie sans musique n’est qu’une erreur, une besogne éreintante, un exil », écrit Nietzsche, musicien autant que philosophe, tout comme Vladimir Jankélévitch (1903-1985). La musique ? elle est partout, peut tout faire, nous exalter, nous apaiser, nous faire marcher au pas. De tous les arts elle seule peut émouvoir notre corps, alors qu’elle est immatérielle et n’existe que dans l’instant où elle nous atteint.

Ce mystère – ce miracle – nous occupera lors de notre prochain café philosophique le 6 juin. Nous essaierons de comprendre comment elle nous touche, si elle exprime ou représente quelque chose, confronterons nos expériences et nos émotions. Nous éviterons le jargon des musicologues, et n’aurons pas besoin d’écouter des morceaux, (suivant en cela l’exemple du philosophe Gille Deleuze qui fit un cours célèbre sur la peinture sans projeter le moindre tableau), car nous tous vivons avec la musique.

Jeudi 6 juin à 18h30, au café-restaurant Le Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay.

Bibliographie

Vladimir Jankélévitch : « la musique et l’ineffable », édition Seuil / points (disponible à la bibliothèque de l’association, prêt réservé aux adhérents)

Cynthia Fleury : « un été avec Jankélévitch », édition équateur France inter

Rire ! mais est-ce bien raisonnable ?

Le 4 avril, nous accueillerons Patrick Brunel qui nous fait l’amitié de venir de Paris nous parler du rire et de la signification de cette innocente marque de gaité. L’homme hilare est-il toujours un homme ? ou un fou, un possédé – des dieux ou du vin ?

Patrick Brunel est un universitaire, enseignant-chercheur à la Faculté des lettres de l’Institut Catholique de Paris. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le rire dans la littérature française.

Voici comment il présente son intervention pour le café philosophique du 4 avril :

« De l’Antiquité jusqu’à la fin des Temps modernes, le rire a été pensé comme un affect entretenant un rapport étroit, autant qu’énigmatique, avec la sagesse et avec la folie. Rire, est-ce un symptôme de folie ou une marque de sagesse ?

Un tel questionnement revient à remettre en cause le rire comme « propre de l’homme », homme par ailleurs défini comme animal raisonnable et doté du logos.

Le rire serait-il donc incompatible avec la raison, et le bon usage de celle-ci devrait-il conduire à exclure celui-là ? »

Le 4 avril à 18h30, au café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

Le 8 février : Sartre et la liberté

Après le soufisme et ses élans mystiques, nous redescendons sur terre avec notre prochain café philosophique consacré à un penseur contemporain et un débat sur la condition humaine.

Jean-Paul Sartre (1905-1980) serait-il le dernier des philosophes ? Le dernier en tout cas à avoir construit un système rationnel, présentant une analyse globale de l’homme dans l’univers et de son rapport aux valeurs. Un héritier d’Aristote, de Descartes et autres grands penseurs. Depuis, les grands systèmes ont volé en éclat, la réflexion philosophique s’est morcelée en domaines clos : étude du psychisme, des sociétés, des sciences, etc.

N’y a-t-il pas pourtant dans ce vieux penseur, militant de toutes les causes et rebelle à toute idéologie, des idées qui valent encore la peine ? Grossièrement résumées sous le terme d’ «existentialisme» ses thèses furent à la fois populaires et conspuées. Touchaient-elles à des valeurs fondamentales ? Ainsi, sa conviction profonde que nous sommes absolument libres. Qu’il n’y a pas de « nature humaine » préétablie, et que seuls nos actes, ce que nous aurons fait, disent ce que nous sommes. Donc un philosophe optimiste – mais une morale exigeante.

De grands mots, ou des pistes possibles pour notre époque ?

Le 8 février à 18h30, à la Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

Bibliographie

Auteur prolifique, ses pièces de théâtre mettent en scène ses idées et sont d’une lecture facile.

Son principal ouvrage strictement philosophique, l’être et le néant (700 pages) est à déconseiller. En revanche l’existentialisme est un humanisme est une approche tout-à-fait abordable (disponible à la bibliothèque de l’association, prêt réservé aux adhérents).

 

11 janvier : le soufisme

Le soufisme est un courant de l’Islam, né au VIIIème siècle en Irak/Perse, et qui s’est étendu d’Espagne jusqu’en en Chine dans les contrées islamisées. Plus qu’un courant c’est une « voie » mystique, dont les adeptes privilégient la recherche intérieure de la purification, le détachement, et l’union avec la divinité, un dieu qui est amour et non celui qui punit, récompense et appelle à la vengeance.  Au sein de l’Islam il est l’opposé du fanatisme et de l’intolérance ; il vénère la beauté, la musique, la poésie.  On y trouve des métaphysiciens, des poètes et poétesses, des ermites un peu fous, des exaltés en transe et les fameux derviches. Ils ont évidemment été persécutés par les autorités musulmanes qui défendaient un islam rigoriste.

Au-delà des parentés avec « nos » mystiques platoniciens et chrétiens, que peuvent nous apprendre les soufis ? Que sont-ils aujourd’hui ? Quel sens a ce courant mystique qui traverse les âges et les lieux ?

Samedi 11 janvier à 18h30 au café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

Montesquieu, de la variété des régimes politiques

Le 7 décembre nous examinerons les thèses audacieuses de Montesquieu (1689-1755). Précurseur de la sociologie et de l’anthropologie, il fut le premier à s’intéresser aux cultures et systèmes politiques de sociétés hors de l’Europe, et en les comparant à élaborer une théorie des régimes politiques. Leur variété s’expliquerait par la différence entre les climats, la superficie des territoires, la répartition de l’habitat, et autres facteurs. La forme prise par l’Etat (république, monarchie, despotisme) résulterait de l’adaptation à ces conditions. Cela ne conduit-il pas à une sorte de déterminisme, par exemple le lien entre vaste territoire et despotisme ?

L’autre apport de Montesquieu est plus connu : la nécessaire séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) pour éviter le despotisme, avec des indications très précises sur la façon d’établir l’équilibre entre les institutions. Le plus intéressant est son jugement sur la fragilité des démocraties, menacées par la corruption lorsque « l’esprit d’égalité extrême » agite le peuple et conduit à l’anarchie. Nombre de ses analyses semblent avoir été écrites pour la France actuelle…

Jeudi 7 décembre à 18h30, café-restaurant La Bonne Franquette, 39 rue de la République à Noizay

Suggestions de lecture :

« De l’esprit des Lois », édition Garnier Flammarion, un gros ouvrage en deux volumes, dense et plutôt ardu.

« Lettres persanes », même éditeur, présente sous forme romancée et concrète l’essentiel des analyses de Montesquieu. Ouvrage disponible à la bibliothèque de l’association (prêt réservé aux adhérents)